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LES SECRETS DE LINE

19 mars 2015

Récréation 2

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10 mai 2014

Les nombres

LES NOMBRES

 

 

,líng , zéro.

Pour ce nombre, deux caractères.

D'abord le caractère arabe, , celui que nous connaissons tous. A l'origine, les chiffres arabes comptaient le nombre d'angles de chaque signe: un angle pour 1, deux pour 2 (qui ressemblait à l'origine à la lettre Z), trois pour 3, etc... De nos jours ce n'est plus très visible puisque les graphies se sont arrondies. Ainsi, Zéro est marqué par un cercle, c'est à dire « zéro angle ». Ce caractère exprime ainsi notre conception du zéro: le vide absolu.

L'histoire de l'invention du zéro est longue et merveilleuse. On considère que les chinois sont peut-être les premiers à avoir fondé la base dix -du fait tout simple que nous avons dix doigts et que ceux-ci ont été notre premier outil de comptage (on peut penser que des extra-terrestres avec huit doigts comptent sûrement en base 8)- mais sont surtout les très probables inventeurs de la numération de position: un rang pour les unités, un pour les dizaines, un pour les centaines etc....ce qui est bien plus pratique et efficace que le système pour le moins brouillon des romains. Fatalement, ces anciens chinois se sont heurtés à ce problème: comment noter « quelque chose » pour un rang qui ne comporte rien, comme le rang des dizaines dans 105, par exemple? On sait que tout simplement, les chinois d'alors n'inscrivaient rien dans la case correspondante. Ce sont les indiens qui les premiers ont eu cette idée incroyable et formidablement abstraite d'inventer un signe pour ... « rien », le fameux zéro. Enfin, les arabes ont inventé cette graphie en cercle, « zéro angle ».

Le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen disait: « Si vous raisonnez avec les dualités vous n'arrivez à rien. » (1) Nous reprendrons cette idée plus bas mais notons déjà ici que la forme en cercle de zéro comporte un inconvénient que, par ailleurs, Matgioi (vois plus bas) relève également: le cercle crée deux zones, intérieure et extérieure. On le voit, une dualité qui ne mène à ...rien!!!

Et c'est bien sûr le caractère chinois, , qui porte le sens bien chinois de zéro. Il contient la clé de la pluie, soit des précipitations, et signifie à l'origine une pluie très fine, peut-être plus ténue encore qu'un crachin. Ce que montre le caractère chinois c'est que le vide … n'est pas vide! Il y a toujours quelque chose, aussi imperceptible soit-il. C'est l'occident qui définit le néant (le zéro arabe). Le concept majeur chinois de (en caractère traditionnel), mal traduit en “néant”, désigne un vide empli de potentialités -ce que les physiciens contemporains appellent le vide quantique ou même le vide fleuri- potentialités symbolisées dans ling par les infimes gouttelettes de pluie, qui participent au développement de la vie. Notons que est homophone avec, le brouillard, une forme la plus ténue de la pluie.

Et plus ténue encore: l'humidité, l'eau invisible dans l'air. Cela nous renvoie à une pratique divinatoire célèbre: la divination par le sel. Si l'on veut savoir si la pluie bienfaitrice (« qui tombe toujours au moment opportun » écrit DU Fu) va venir irriguer les pousses agricoles, le devin jette du gros sel dans le feu. Si le sel reste silencieux, la sécheresse s'annonce. Si le sel crépite, alors les paysans se réjouissent: la pluie est imminente! Foutaises? On sait que le sel absorbe de grandes quantités d'humidité, si toutefois l'air est humide (la pluie se rapproche). Jeté dans le feu, cette humidité se transforme en vapeur sous pression qui fait éclater le cristal de sel: le crépitement. La divination: percevoir l'invisible, lui donner corps, par des mots, par des sons. Enfin, un autre signe de ce sens profond et riche du zéro chinois ( ) : , , la rosée. La capacité du fil ténu de l'araignée, d'une tige de fleur, d'un brin d'herbe de révéler cette humidité. C'est pour cette raison que ce caractère signifie également « révéler », « montrer », « apparaître ».

 

 

(1) Karlheinz Stockhausen et Jonathan Cott, « Conversations avec Stockhausen », Éditions Jean-Claude Lattès, collection Musique et musiciens.

 

 

yī , Un, l'unité. Nombre yang.

Le caractère chinois le plus simple. Un trait: une chose. Le chiffre et le nombre Un.

DSCN0810(Ci-dessus: le caractère yi "un, unité", au temple lingyinsi, prèsde Hangzhou.

« Il était une fois, assis face à la ligne d'infini qui sépare l'Ombre de la Lumière, un poète. Après avoir médité pendant dix mille ans, il trempa son pinceau dans l'encre de la nuit et, sur la surface blanche du jour, il traça le chiffre UN, cause de toutes les causes, origine de tout ce qui est. » écrit Pierre Aroneanu dans son livre Le Maître des Signes.(1)

 

_1100396

_1110407Ci-dessus: le trait de lumière qui fait l'unité entre le ciel et la terre (en l'occurrence, le lac Ladoga, en Russie)

 

 

Graphiquement, ce caractère peut en effet représenter l'horizon, comme dans le caractère dàn , l'aube: le soleil sur l'horizon. Il peut représenter le ciel, comme dans le caractèretiān , le ciel: « Ce qui est au-dessus de grand ». Dans les deux cas, cette ligne sépare ce qui se trouve en dessous de lui -la terre- et au-dessus de lui -le ciel-, mais surtout il constitue la ligne qui réunit les deux. « Unir », « réunir » est exprimé par yi, un, comme dans le mot 统一 tǒngyī , unir, unifier (un pays par exemple).

Ce caractère contient aussi l'idée de totalité. Si 有一天 yǒu yī tiān signifie bien « (Il y a) UN jour », par contre dans la locution 一路顺风 yī lù shùn fēng , ou 一路平安 yī lù píng'ān (« bon voyage! »), mot-à-mot « que la route suive le (meilleur) vent, ou « que la route soit paisible « sans encombre ») yi (un) ne désigne pas « UNE route » mais bien toute la route!

 

aaa (10)Le palais, (le mur!), qui unit le ciel et les douves.

 

Cette idée de totalité vient du contenu yang du signe. Le trait continu yi est ce qui représente le yang dans les trigrammes et hexagrammes. Voyons ce que Matgioi(2) -cité par Alice Fano(3)- dit de cette représentation: « La représentation graphique de la Perfection, la ligne yang, est conçue d'après le symbolisme le plus simple. (…) elle se termine bien entendu dans le graphique, par la limite de la nécessité matérielle, mais elle ne se termine point dans la pensée, ni dans la supposition. C'est en cela (…) que le symbolisme de la ligne droite est supérieur à la ligne courbe fermée, ou de la circonférence (…) (qui) enclôt un espace. » Ainsi, selon Matgioi, cette graphie exprime l'infini, ce qui ne s'arrête jamais, ce qui correspond au yang dans la mesure où celui-ci est ténacité et énergie sans fin. Nous verrons plus bas (chiffre 4) combien une représentation qui définit un espace clos est le propre du yin et ne convient donc pas au yang.

(1) Pierre Aroneanu, Le Maître des Signes, Éditions Alternatives, collection Pollen, Paris 1989, ISBN: 2 86227 265 5, page 9.

  1. Matgioi (qui signifie « Œil du jour »), pseudonyme de Albert Puyou, comte de Pouvourville, né le 7 août 1862 à Nancy, administrateur et militaire français en poste au Vietnam et qui se prit de passion pour la pensée chinoise et le taoïsme en particulier.

  2. (3) Alice Fano, « Les neuf figures de base de la pensée chinoise », éditions de la Maisnie-Guy Trédaniel, 1983, ISBN: 2-85-707-111-6

 

 

èr , deux. Deux traits: deux. Le plus simple des indicateurs. Nombre yin. Indicateur.

 

Symboliquement, le deux renvoie aux deux modes -liang yi- c'est à dire yin et yang. Laozi écrit au chapitre 42 de son ouvrage: 道生一,一生二,二生三,三生万物dào shēng yī, yī shēng ér, èr shēng sān, sān shēng wànwù , traduit par François Houang et Pierre Leyris (1) par « de la Voie naquit un, D'un deux, et de deux trois, trois engendrant dix mille » et, se basant sur la polysémie de sheng (naître, engendrer, vivre, etc...) Cyrille Javary (2) traduit ce passage en : « Le fonctionnement des choses vit suivant un principe unitaire, cette unité primordiale vit selon un rythme binaire (yin-yang, ndlr), cette dualité musicale vit grâce aux souffles médians, cette triplicité globale vit dans l'innombrable totalité des êtres. » Ce qui est important à noter ici, ce « jeu » de déséquilibre « plus soluble dans l'air » comme le disait Verlaine, c'est cette idée de souffle médian, le troisième terme qui permet la rotation, le passage de l'un à l'autre. Deux contient un potentiel -la différence- mais il est statique, immobile, il manque le « petit plus », mathématiquement un « +1 », pour permettre le passage de l'un à l'autre.

Et selon le même Matgioi « Ainsi le symbole de la Perfection passive (yin, ndlr) doit être en tous points celui de l'active (yang, un, ndlr) et doit engendrer en plus l'idée de la multiplicité. » Cet auteur évoque donc la multiplicité des êtres et des formes, exprimé dans le caractère er par le fait que quelque chose d'autre apparait. Selon Anne Cheng, le yin c'est « l'ouverture à la différence »: deux choses sont forcément dissemblables.

D'autre part, er, deux, apparaît dans des caractères composés pour évoquer l'idée confucéenne de notre rapport à l'autre. Ainsi nous avons le caractère rén , « l'humanité »: l'humain (clé de l'humain) et « deux »: dans son rapport à l'Autre. ». Nous avons de même nìng (…)

Encore une fois: « Si vous raisonnez avec les dualités, vous n'arrivez à rien. » Finalement, deux n'est pas autant porteur de développements que bien d'autres nombres. Les chinois ont compris très tôt -à la manière de Verlaine qui « préfère l'impair, plus léger et soluble dans l'air » - la formidable efficacité des nombres impairs.

  1. François Houang et Pierre Leyris: « Lao-tzeu, La Voie et sa vertu » Éditions du Seuil, collection Points-Sagesse, 1979, ISBN: 2-02-005067-6. Page 103.

  2. Cyrille J.D. Javary, « Les trois sagesses chinoises », Albin Michel, 2010, 2012, Collection spiritualités vivantes, ISBN: 978-2-226-24198-6. Pages 64-65.

 

sān , trois. Trois traits: trois. Indicateur. Nombre yang.

 

Raw00646Ci-dessus: l'autel des bonnes moissons au temple du ciel (15° siècle, Pékin). Les trois toits sperposés: tian-di-ren.

 

Le nombre du ciel. Comment déduire le nombre trois du tài jí tú , figure de l'ordre cosmique? S'il est facile de distinguer deux -yin et yang- où apparaît le troisième terme? Souvenons-nous... « si vous raisonnez avec les dualités vous n'arrivez à rien »! Il s'agit bien sûr du cercle qui enchâsse les deux « poissons », le cycle qui en assure la mutation de l'un dans l'autre, leur succession. Yin, yang, le cercle: nous avons trois éléments. Ainsi, trois est le chiffre du ciel.

Le nombre de l'univers: 天地人 tiān dì rén , le « Ciel, Terre, Homme ». Nous remarquons qu'une telle séquence, qui ne suit pas la graphie, dans un sens ni dans l'autre, est conforme à l'ordre chronologique de l'apparition de chacune de ces dimensions: l'univers (ciel) a bien quelque 15 milliards d'années, la terre 4,5 milliards d'années, quant à l'humain, il ne se dresse sur ses deux membres postérieurs que depuis quelques centaines de milliers d'années. Remarquable intuition des anciens chinois et bien sûr la séquence -qui n'est pas spatiale- correspond à leur passion de la temporalité.

 

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Ci-dessus: trois toits superposés, et trois terrasses superposées!

 

Cette disposition tiandiren apparaît dans le caractère wáng, le souverain: le pivot (le trait vertical, juste sous l'étoile polaire), qui assure l'harmonie entre les trois dimensions de l'univers (les trois traits horizontaux..., le chiffre trois en quelque sorte!) Tiandiren.

Le nombre trois apparaît dans de nombreux édifices chinois: l'autel des bonnes moissons au temple du Ciel (Pékin), ainsi que dans la cité interdite: les trois palais yang (sān dà diàn) sont posés sur une estrade à trois niveaux.

Nous évoquions plus haut une supériorité de l'impair sur le pair. On ne construit pas grand chose sur le deux, alors que le trois est le nombre qui construit les trigrammes. Les trigrammes, figures du temps: il n'y a pas seulement un avant et un après (2) mais un avant, un après et un pendant (3)! Ceci apparaît dans le caractère jīn (le présent)*. De même, il y a une préparation, une réalisation et un terme. Ou encore, si l'on résonne et termes spatiaux, un devant, un derrière et un dedans!

Cette obsession ternaire de la culture chinoise (les trois augustes mais les deux dieux des portes (fermer)....) en fait le sel! Dans le film de Woody Allen « Vicky, Christina, Barcelona» le couple formé par Pénélope Cruz et Javier Bardem est particulièrement houleux et électrique, mais l'arrivée d'une troisième personne dans le couple assure la paix du ménage: le troisième terme qui assure un équilibre dynamique entre les deux époux, le « sel »... Ce n'est pas une idée farfelue: si la culture asiatique est dite « moniste » par opposition à la culture occidentale « dualiste », ce monisme n'est pas « un » mais bien le « + 1 »! Rappel: tout nombre impair correspond à la formule (2xX)+1. C'est cela qui fascine les chinois. Ce « +1 », c'est l'espace vide qui permet la rotation, le cycle mais aussi, et peut-être surtout, l'intervention de la main, de l'Humain. C'est dans le « +1 » que nous pouvons exister.

f (16)Le nombre trois est récurrent dans le bouddhisme. Comme on le voit sur cette image, on allume les encens trois par trois. (Temple à Shijiazhuang, Hebei)

Pour la photographie ci-dessous, prise dans les jardins impériaux (Yuyuan), un chef-d'oeuvre de la botanique chinoise: les arbres fusionnés. Outre la prouesse technique, il y a là un fort contenu symbolique. Sur la terre, les éléments peuvent être séparés. C'est pour cette raison que les nombres pairs, qui rappelons-le s'écrivent sous la forme 2xX, sont associés à la terre car ce sont les nombres qui peuvent être rompus en deux parties. Le pouvoir politique a depuis longtemps compris ce pouvoir séparateur de la terre: l'éxil, le bagne! Mais le ciel, lui, a une fonction fusionnelle: où que nous soyons sur le continent, nosu pouvons tous unir nos regards dans l'éclat argenté et doux de la lune. Le ciel fusionne, réunit. C'est pour illustrer cela que les deux troncs de ce jardin ont été unis "dans le ciel". C'est la fonction unificatrice des nombres impairs, associés au ciel: (2xX)+1! (à suivre)

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(Sur l'efficace du nombre Trois, voir Alice Fano « Le triangle rectangle », dans « Les neuf figures de Base de la pensée chinoise » Éditions de la Maisnie, Guy Trédaniel, 1983, ISBN: 2-85-707-111-6)

Article « Le Livre des Mutations » sur le blog Huangchang.canalblog.com (à paraître)

 

, quatre. Nombre yin.

Nous sommes maintenant sortis de cette série d'indicateurs dont la lecture analogique est des plus simples. Nous avons maintenant un idéogramme. Avant de décrire ce dernier, évoquons le fait que, à l'origine, les chinois avaient composés des chiffres qui, comme un boulier (qui n'apparaîtra que bien plus tard), sont analogiques et basés sur le retour de groupes de cinq traits. Mais le plus intéressant est l'existence originales de deux séries de chiffres: l'une pour les chiffres correspondant aux rangs impairs -unités, centaines- et l'autre pour les chiffres rangés dans les rangs pairs, dizaines et milliers.

Revenons à la graphie actuelle. Si est composé de ér , un personnage, et de kǒu (da kou kuang) l'enclos: une personne dans un enclos. Il évoque le caractère qiú , le prisonnier. C'est ainsi assez simple à retenir: si, quatre, c'est un carré: quatre côtés (1)

Le nombre 4 est celui de la terre. Le caractère si, 4 est un carré; figure géométrique du yin (le yang c'est le rond) C'est un nombre yin, c'est à dire conforme à une caractéristique de celui-ci: séparer. Un nombre pair correspond à la formule 2xX. Le pair, c'est ce qui peut-être séparé en deux. Les pouvoirs politiques l'ont compris depuis longtemps: la terre c'est les frontières, c'est les enclos, c'est le bagne et l'exil. C'est aussi le thème majeur de la poésie chinoise: la séparation. Si je suis ici, je ne suis pas là-bas avec toi. Ce thème est majeur en Chine car l'immensité du territoire (la terre) ainsi que la nature centralisée du pouvoir et de l'administration ont conduit à de nombreuses et fréquentes séparations d'amants, de couples, de frères, d'amis, de familles.

Attention, ce caractère yin de « séparer » n'est pas une tare! (dà hé qí kě zuǒ qí kě yòu) C'est toujours « deux choses » c'est à dire une différence, l'ouverture à la différence.

Nombre « porte-malheur ». Veillez à ne jamais offrir à un chinois un cadeau qui puisse évoquer ou contenir le nombre 4.

(1) Sur la symbolique de l'enclos, du « carré », voirguó , le pays, l'empire, leçon 0.0.

 

, cinq. Nombre yang.

Un des chiffres les plus importants de la cosmologie chinoise. Impair, cinq est 4+1. Encore le « +1 ».

DSCN9932(Ci-dessus: En Chine -ainsi que tout l'extrème orient ainsi qu'en Inde-, la svastika est universelle et très présente. Ici, au-dessus d'une boutique à Guilin (Gunagi)

Le caractère est issu graphiquement de la svastika, nom sanskrit de la « Roue harmonieuse », la rotation annuelle de la constellation du chariot (la grande Ourse, Ursula Major) autour de l'étoile polaire (bei dou); Nous avons donc bien les quatre saisons et le centre, le pivot stable et surtout vide qui permet la rotation.

Voyons maintenant la relation entre 4 et 5 telle qu'elle se présente dans le drapeau de la République Populaire de Chine: un drapeau rouge sur lequel flottent cinq étoiles jaunes, dorées, quatre petites et une grande. Les quatre petites symbolisent les classes sociales: paysans, soldats, ouvriers, intellectuels. Quatre, nombre pair, c'est à dire yin: séparation, cloisonnement. La grande étoile c'est le parti communiste chinois qui rassemble la société chinoise. On voit ici que la symbolique du drapeau chinois est celle de 5=4+1, le un qui fait l'unité. De même, cela nous renvoie aux « quatre modernisations » mises en œuvre par Deng Xiaoping... Il manque la cinquième, la démocratie parlementaire, qui est le +1 qui assurerait l'unité du peuple chinois.

Comme toujours en chine, le moderne renvoie à l'ancien. Le rouge des drapeaux de l'ère communiste renvoie à celui des colonnes de la cité interdite (même si l'on distingue le rouge hong du drapeau et celui chi du palais impérial). Ainsi, la symbolique des quatre classes sociales et de leur fusion dans le PCC est celle de la célèbre formule 四海一家 si hai yi jia « Quatre mers , une famille ». Les « quatre mers » désignent l'espace ouvert aux quatre orients, et « famille » le peuple chinois. Enfin, c'est le même principe qui préside à l'ordonnancement architectural des maisons traditionnelles chinoises, les Siheyuan 四合院, « La cour où fusionnent les quatre côtés », traduit en français par « Maisons à cour carrée ». Les maisons chinoises, à la différence des nôtres -ouvertes sur l'extérieur-, sont constituées de quatre ensembles de bâtisses autour d'une cour centrale, le vide: on retrouve le 4+1!

Ci-dessous, dans un jardin de Suzhou. Cette ouverture annonce clairement le nombre quatre: il y a bien 4 cercles qui la composent. Mais un nombre pair a la fonction de séparer, d'empêcher le passage... Rassurons-nous!... Il y a bien cinq cercles dans cette ouverture, le cinquième est invisible, tout simplement, manifesté dans l'image inférieure.

analog 1

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Intermède rock sur quatre (ou tout nombre pair) -qui sépare- et cinq, qui unit. Les Beatles étaient quatre: ils se sont déparés après 9 ans de « vie commune ». Les Rolling Stones, cinq, sont toujours ensemble après plus de cinquante ans de carrière! Simon et Garfunkel, deux: séparation rapide, de même que Crosby, Stills, Nash and Young. Yes, cinq membres: toujours ensemble (même si de fréquents changements de line-up)...

 

liù , six. Nombre yin.

Un trait et trois points. Si l'on considère que le trait figure l'horizon, il appelle donc le deux (ciel et terre, ce qui est en-dessous et au-dessus) nous avons alors deux fois les trois points: six (2x3=6) On aurait pu représenter 6 par un jeu de reflet dans l'eau, qui se trouve en dessous, de trois étoiles qui se trouvent au-dessus.

liù , homophone avec liu, couler, s'écouler, donc l'eau, un élément majeur du yin, est dans la numérologie chinoise le nombre du yin majeur, ou yin manifesté: la nuit, l'obscurité. Ce caractère est ainsi associé dans d'autres caractères pour exprimer l'obscur. Par exemple: míng , obscur (composé d'un couvercle qui recouvre le soleil, figure analogique simple à comprendre, le tout associé au chiffre 6 qui, lui, symbolise cet obscurcissement); 冥器míngqì objets funéraires, placés dans les tombes lors des obsèques d'un défunt; 瞑目 míngmù: mourir; 冥王星 míngwángxīng : Pluton, la planète la plus éloignée du soleil et qui par cela reçoit qu'une infime partie de la lumière émise par celui-ci. C'est le lieu le plus obscur du système solaire;míng se coucher (pour le soleil): la terre va être bientôt plongée dans l'obscurité; míng la mer: abysses obscures (au-delà de 100/150 mètres de profondeur, la lumière solaire ne pénètre plus.

L'association de l'obscurité à un nombre nous renvoie à cette réalité peu connue et Ô combien curieuse: la synesthésie. Il s'agit de la confusion de sens perceptifs, syndrome d'origine inconnue, sans aucun danger pour la santé. Les autistes Asperger en sont sont souvent frappés, ainsi que de nombreux artistes célèbres. Ou...tout un chacun (l'auteur de ces lignes est lui-même frappé de cette très plaisante tare!) Si le célèbre autiste anglais Daniel Tammet a peu déclamer les décimales de Pi, jusqu'à la 22 514° (!!!), c'est parce qu'il peut associer les nombres à des perceptions visuelles -des paysages dit-il- ce qui rend cette performance aussi agréable et facile à mémoriser qu'une promenade. « Daniel Tammet ne récitait pas les nombres, il se promenait avec eux. »(2). Moi-même associe le silex à le crème caramel, la tourbe à un fondant au chocolat, associe des odeurs aux couleurs, etc... mais surtout, des intensités lumineuses aux nombres. 6=obscur, une symbolique chinoise très synesthésique! Or certains spécialistes évoquent une très probable origine synesthésique des langues. Cela expliquerait entre autres l'association d'un son comme « i » à ce qui est petit et « o » ou « a » à des choses plutôt grandes. Par exemple le « ti-ta » du code morse, ou « rikiki ».

Enfin, il est un autre « jeu » de chiffres chinois: le nom donné aux trois palais yin de la cité interdite. Le palais impérial est centré sur deux groupes de palais: au sud, les plus majestueux, les sāndàdiàn   (ou « trois grand palais », désignés en français par « les trois palais yang »), et les trois palais yin, plus intimes, au nord. Ces derniers sont désignés par certains auteurs chinois sous le vocable de sì liù diàn 四六殿, soit: « Les palais 4-6 » (ou « 4 à 6 »). Cet ensemble de bâtiments dévolus principalement au yin sont donc désignés par deux nombres yin. Mais il y a bien sûr un nombre caché: 5! Nous avons donc une séquence complète 4-5-6, c'est à dire yin-yang-yin. Celle-ci constitue un trigramme, kan, l'eau, l'insondable. Non pas trigramme du yin pur, mais celui de l'efficace du yin! (3) De même, on peut ainsi désigner les trois palais yang par yisandian (« Les palais 1-3 »): deux nombres yang pour l'ensemble yang du palais impérial mais aussi une séquence 1-2-3, le yin au cœur de la force yang, yang-yin-yang: le trigramme li , le feu, le tonnerre, ce qui initie, la ligne de lumière pale qui s'étend sur l 'horizon à l'aube.

Ci-dessous, à Yangshuo (Guangxi), trois lampions se reflètent dans l'eau pour former le nombre (et le chiffre) 6! Nous avons choisi cette photo car elle offre également l'avantage d'être... sombre!

 

resume (1)

 

(1)Ceci nous renvoie également aux concept de « syllabes archétypales ». Voir à ce sujet leçon 0.5

  1. DIJOUX Gaëtan, NOËL Charlotte et ROUSSEAU Eugénie, « Quand nos sens ne font qu'un », TPE, lycée Frédéric Chopin, Nancy, 2012. L'auteur remercie ici ces trois élèves du lycée, section chinois LV3, pour leur travail sur la synesthésie auquel ils m'ont associé, et qui m'ont tous trois permis de découvrir beaucoup de choses sur ce sujet.

  2. Voir....

 

 

, sept. Nombre du « jeune yang » ou yang mineur, non manifesté.

Son origine graphique repose dans les trigrammes du Livre des Mutations. La découverte du manuscrit dit de Mawangdui (马王堆) est un événement majeur de la sinologie. On trouve dans ce manuscrit les graphie originelle des deux traits yao du livre des mutations. Si 8 est constitué d'un trait brisé (yin) la caractéristique de qi ,7, est de présenter un trait continu, à la manière de yi, 1. On retrouve donc la même symbolique que dans ce caractère initial.

 

 

, huit. Nombre du jeune yin, non manifesté.

 

_1110483Ci-dessus: dans un restaurant de Gulou Dongdajie à Pékin. Le carcatère ba, 八, dans sa forme sigillaire, bien visible à gauche.

 

8, le plus grand chiffre pair. Sa graphie est donc la plus claire et aboutie de ce qu'est un nombre pair (2xX): il figure un trait brisé en deux. Son origine graphique est au cœur du livre des mutations: c'est le trait brisé, yin.

C'est ainsi qu'il apparaît dans maint caractère exprimant l'idée de division, de séparation. Le meilleur exemple estfēn , division. Composé de la clé du couteau -ce qui sépare- représentation « primaire » et de 8, ba , ce qui est séparé, coupé en deux: le résultat de l'action du couteau ou le symbole de son action: la séparation.

C'est aussi le chiffre porte-bonheur ! La cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Beijing 2008 a débuté le 8 août de cette année-là, à 20 heures huit, soit le 08-08-2008 à 8 heures 8! De même, la tour Jinmao à Shanghai comporte 88 étages.

Dans la Chine contemporaine qui produit de nombreux milliardaires, on achète très cher les plaques d'immatriculation avec un maximum de « 8 ». Comme en témoigne la photographie ci-dessous, prise en face de l'hôtel Peninsula à Shanghai: deux Rolls-Royce !

SDC11700

 

jiǔ , neuf. Le chiffre de l'empereur.

Le plus grand chiffre impair et, à ce titre, le plus vénérable de tous. Chiffre impérial? Depuis le XV° siècle, à partir duquel on pouvait se rendre à Pékin dans la cité interdite, un fonctionnaire qui avait le privilège d'être reçu par l'empereur en audience privée, dans le palais de Qian ging gong (Palais de la pureté céleste, premier des trois palais yin) devait franchir 9 portes pour y parvenir, depuis la porte Yongdingmen, récemment reconstruite qui ouvrait la capitale impériale, jusqu'à la porte Qiangingmen (Tiananmen était le cinquième de ces neuf portes, et la porte Wumen (porte du méridien qui ouvre la cité interdite, la septième. Notez que ces portes « majeures » portaient des nombres impairs!) De même, les figurines qui ornent les arêtes des toits en bas de leur courbe gracieuse sont au nombre de neuf dans les palais impériaux, et les boutons dorés sur les portes palatiales sont au nombre de 9x9. Les dalles qui entourent le pivot central au temple du ciel sont neuf au premier rang, 18 au second, jusqu'à 81 (9x9) au dernier. On note aussi le titre du livre de Alice Fano, « Les neuf figures de bases de la pensée chinoise »(1).

Ci-dessous: portes à la cité interdite.

 

aaa (55)

aaa (50)Ci-dessous: Cité interdite, toujours, porte Donghuamen. Attention! Ici, il n'y a que 8 clous! Car à l'est, souffle l'esprit du bois qui, dans le cycle de domination (ke), est supéreiur à la terre. or, la terre, dons le centre, est le lieu symbolique de la cité interdite, résidence de l'empereur. il n'est donc pas concevable qu'un souffle soit supéreir à l'empereur; Ainsi, sur cette porte est de du palais impérial, les séries sont de huit clous: séparer, fermer la porte aux souffles venus de l'est)

aaa (84)

 

 

(1) Mystère malicieux et riche de sens à découvrir, ce livre comporte bien 9 chapitres mais il n'y que... 8 notions traitées!

 

shí , dix.

(Il est curieux de voir que les (très probables) inventeurs de la base dix n'aient pas écrit « dix » avec 1 et 0. Je ne me l'explique pas.)

Composé d'un trait vertical croisé d'un trait vertical qui signifie: une série d'unités est close, on a donc une dizaine.

Détail historique plaisant: Après la religion populaire, apparurent en Chine le taoïsme religieux, puis le bouddhisme. La grande religion « étrangère » la plus proche du monde chinois est l'Islam. Les relations entre les mondes chinois et musulman ont été très riches pendant le premier millénaire de notre ère et les chinois connaissaient donc l'existence de l'islam depuis cette époque. Lorsque, à partir du XIII° siècle les premiers parlementaires puis missionnaires chrétiens sont arrivés en Chine, les chinois furent intrigués par la croix qui pendait au cou de ceux-ci et désignèrent les chrétiens sous le nom amusant de « musulmans du chiffre dix » par analogie avec le caractère shí

Enfin, une note calligraphique. Dans l'écriture chinoise, on commence toujours par le trait horizontal que l'on croise ensuite avec le trait vertical. Soit un trait yin (horizontal, au repos) d'abord, puis le trait vertical, yang (en mouvement). Le yin précède toujours le yang (on ne dit jamais « yang-yin » mais bien yin-yang). Il est facile de retenir que notre existence a commencé au repos et que, après la naissance, nous avons tous passé plus d'un an allongé avant de nous tenir debout.

On trouve dans la graphie de dix l'idée proche de celle contenue dans zhōng , le milieu, le centre, à savoir celle d'un croisement idéal, un croisement de méridiens, l'idée de base de l'acupuncture. Il s'en dégage une idée de justesse, de sagesse. On retrouve cela dans le caractère shì , le lettré. Composé de (10) et de (1), il signifie: celui qui de dix choses est capable de voir l'unité est un lettré, un sage.

Enfin, si une dizaine est marquée par un trait qui croise le trait vertical, nous avons le caractère niàn 廿 qui note 20, et shì qui note 30. Trente ans, c'est une génération, et c'est ainsi que ce caractère désigne maintenant une génération.

 

Conclusion:

De zéro à dix, nous voyons que la richesse symbolique des nombres chinois est énorme. Les chiffres contiennent encore pour les nombres correspondants une forte charge numérologique. La numérologie est la symbolique des nombres, c'est une discipline que l'occident rationaliste du XIX° siècle a classé dans la vaste poubelle des « sciences occultes » ou autres « trucs de bonne femme ». Si vous n'êtes pas convaincus de la pertinence de cette symbolique, voyez dans le livre de Alice Fano (Op.cit) le chapitre où l'auteur évoque comment, dans le Zhoubei, traité mathématique chinois vraisemblablement constitué vers les 4°/5° siècles avant notre ère, les chinois se basant sur les valeurs symboliques du ciel (3), de la terre (4) et de l'humain (5), démontrent le théorème de Pythagore!!!

 

 

 

 

10 mai 2014

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zhōng : Milieu, centre. Une flèche qui traverse une cible ou une bannière flottant dans le vent.

 

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En chine, le tir à l'arc est une pratique noble alors que dans notre moyen-âge européen, l'archer était le lâche qui refusait le combat héroïque et chevaleresque au corps-à-corps*. A cette époque, en Europe, le statut de l'archer posait les mêmes problèmes moraux que l'usage des drones militaires de nos jours. Dans les temps très anciens de la Chine pré-impériale, au début de la dynastie des Zhou (milieu du 12° siècle jusqu'en 256 avant notre ère), les nobles feudataires en charge des feng (fiefs) éloignés du centre de la Chine d'alors étaient soumis tous les cinq ans à une épreuve de tir à l'arc qui se déroulait à la cour et qui permettait au souverain de s'assurer que ceux-ci possédaient bien les qualités morales pour bien administrer le territoire dont ils avaient la charge.

Cette épreuve de tir à l'arc était doublement difficile. Car il ne s'agissait pas seulement de viser au centre de la cible mais il fallait également que la flèche touche la cible en même temps qu'un coup de gong ou de tambour qu'un musicien frappait de façon régulière. Ceci indique combien la notion de temps est importante en Chine. Il s'agissait bien de viser le coeur de la cible, mais surtout au bon moment, ce qui est une notion fondamentale dans la culture chinoise.

 

_1030694(Photo ci-dessus: archer bandant son arc, gravure rupestre, province du Ningxia (plusieurs millénaires avant Jésus-Christ?), musée de Yinchuan, photo FP)

SDC10573(Arc et flèches, musée de la cité interdite, Photo FP)

 

Pour les chinois, il n'y a pas de « bien et de mal » en tant que catégories séparées. Un même acte est « bien » s'il est accompli au moment opportun et « mal » s'il est accompli au mauvais moment. « Viser juste », pour un chinois, c'est bien viser au bon moment.

 

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Sur la photographie ci-dessus, on voit la pancarte « yingye zhong » accrochée à la porte d'une boutique, qui signifie que le magasin est ouvert. On voit bien que zhong ne signifie pas « au milieu » (vers midi pour un magasin ouvert toute la journée, par exemple) mais bien que, dans la durée de cette ouverture au public, chacun peut choisir le moment propice de ses achats. La « flèche » centrale du caractère zhong n'est pas fixe, elle se déplace au fil des heures à la manière de l'aiguille de l'horloge. Il y toujours du mouvement dans un caractère chinois. Un caractère chinois est vivant car il contient une horloge... (nous y reviendrons).

En outre, certains auteurs notent que zhong représente aussi la réalité sociale chinoise telle que Confucius la prescrivait. L'ordre social chinois est très hiérarchisé. C'est ainsi que les mots frère et sœur n'existent pas: il y a jiejie pour la ou les sœurs nées avant soi et meimei pour celles moins âgées, ainsi que gege pour le frère plus âgé que soi et didi pour celui moins âgé. Comme vous le voyez, il y a toujours nécessité d'être placé selon une échelle verticale, très fortement hiérarchisée. Il y a toujours quelqu'un au-dessus de nous et d'autres personnes en-dessous de nous. On retrouve cette réalité dans le caractère zhong mais cette fois ce n'est pas la flèche qui se déplace mais le « rectangle » qui, à la manière d'un curseur, glisse de bas en haut. Au-dessus de soi il y a les aïeuls, les parents, les aînés et en dessous, les personnes plus jeunes. Comme il y a le souverain tout en haut et la faune au plus bas. Là aussi la justesse se manifeste dans la conscience de sa propre place dans une société -un rapport élève-professeur par exemple- mais aussi professeur-élève- ou la relation au sein de la famille. Si l'enfant doit respect et obéissance à ses parents, ces derniers doivent à leurs enfants tendresse et protection.

 

                                                                                 

 

Enfin, beaucoup de spécialistes critiquent ces commentaires (que l'on désigne souvent par gloses). Ceux-ci rapportent que la forme première du caractère, telle que nous la voyons sur l'image ci-dessus, est celle d'un drapeau, d'une bannière flottant au vent. Nous voici plongés dans l'histoire de la Chine, celle que nous connaissons sous le nom de zhōngguó 中国. A l'origine, la Chine n'était pas aussi grande qu'aujourd'hui, loin s'en faut! Elle se cantonnait dans l'espace qu'occupent les provinces actuelles du Shanxi et du Shaanxi, le bassin moyen du fleuve jaune. C'est sous la deuxième dynastie historique, celle des Zhou (milieu du 12° siècle jusqu'à 256 avant notre ère) que va commencer l'expansion du territoire chinois, c'est à dire la progression de l'étendue de l'influence de la Chine en tant que civilisation. Pour administrer un territoire qui grandit rapidement, les souverains Zhou ont organisé l'espace de façon féodale. Des nobles, les zhuhou, se voyaient confier un feng (fief). Mais le système fiscal en vigueur, dicté par les distances importantes qui séparaient les parties nouvellement acquises du centre de la Chine et qui rendaient périlleux le transport de richesses, imposait aux Zhuhou de ne rien verser au souverain mais de lever, armer et entretenir une milice en vue d'assurer la défense de la Chine. Ce fut là une erreur fatale: comme on pouvait s'y attendre, les zhuhou se sont servis de leurs milices pour... attaquer et soumettre leurs voisins! Il en a résulté la constitution de grandes principautés quasiment indépendantes qui entouraient l'espace originel de la Chine, qui, encerclé, fut désigné, dès le 8° siècle avant notre ère, sous le nom de « territoires du centre »...soit 中国zhonguo! C'est là la première occurrence historique de ce nom que vous connaissez bien. Or certains écrits parlent des étendards de ces territoires restés fidèles au souverain comme symboles de loyauté, de loyauté envers le souverain chinois, de fidélité à l'âme chinoise. Des étendards qui sont symboles du centre. Après la ruine de la féodalité, l'empire chinois sera caractérisé par son centralisme très marqué.

Ci-dessous: drapeau chinois et autres qui flottent dans le vent à Baotou, province de Mongolie Intérieure.

DSCN6817Ci-dessous: bannières anciennes sur les remparts d'une ville ancienne... reconstituée ici dans un studio de cinéma, près de Yinchuan, province du Ningxia.

_1030313Les drapeaux de l'ère Mao...

_1030213AUTRES ILLUSTRATIONS DE LA SYMBOLIQUE DU CARACTERE ZHONG, MILIEU, CENTRE/

Sur une table de mixage, beaucoup de "zhong", soit un rectangle sur un axe vertical. L'idée de justesse, d'affinement est ici  très bien illustrée: trouver le niveau juste, le son juste (photo X.)

mixxxxComme ici, sur un synthétiseur analogique des années 70 (Arp 2600): chaque paramètre du son est ajusté par ce dispositif très proche graphiquement mais surtout symboliquement du caractère zhong 中 (photo X.)

azreeIdem pour ce module de synthétiseur Moog.

moogpolymDeux "zhong" côte-à-côte: l'automanette des gaz d'un avion!

automanLe métronome: un rectangle sur un axe avec une double fonction. Ajuster verticalement pour le tempo (encore le temps!), ceci conditionnant l'amplitude du balancement.

metronom

 

Caractères associés : 钟忠( voir intermède 1)

 

 

 

 

(*) Pour mesurer l'écart qui existe entre ces deux conceptions du tir à l'arc, lire ce petit livre au titre révélateur : « Le Zen dans la pratique chevaleresque du tir à l'arc » de Etienne Herrigel

 

 

guó : pays, empire.

 

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Le caractère guo est composé de la clé dite de l'enclos , qui est la forme de grandes dimensions de la clé de la bouche kou ,et, à l'intérieur de celle-ci, de la jade yu (à ne pas confondre avec wang, le roi, le souverain, que nous verrons dans la prochaine leçon).

est un caractère simplifié. Tout au plus pourrait-on dire: le pays, c'est le trésor (jade) qui a des frontières (l'enclos), ou « ce que l'on chérit et qui est caractérisé par des limites au sol »= le pays. Mais une telle explication est anachronique: l'idée de nation est apparue au XIX° siècle seulement. D'autre part, « les frontières » semblent avoir dans ce caractère une forme par trop géométrique! C'est donc la forme ancienne qui nous donnera l'explication juste.

La forme traditionnelle (avant simplification) de guo était . On y retrouve l'enclos mais l'intérieur est composé de deux éléments: kou, , de petite taille, donc la bouche et non plus l'enclos, et ge la hallebarde (ainsi qu'un trait yi : peut-être l'expression de l'unité du pays). La hallebarde, c'est le fait de posséder l'armée, le pouvoir militaire. Quant à la bouche, la parole, c'est le pouvoir proprement dit. C'est l'historien chinois HUANG Xinya qui nous donne le sens de tout cela. Selon lui, guo , désignait à l'origine la VILLE. Or la ville a toujours eu un statut particulier en Chine. Elle est moins le centre économique d'une région que le siège du pouvoir: Le souverain dans la capitale, les gouverneurs dans les capitales provinciales, les mandarins dans les autres villes. Autrefois, la notion de citoyenneté n'existait pas, il n'y avait que des « sujets ». Ainsi le pays n'est pas la somme de ses habitants mais bien l'espace qui est gouverné par le souverain depuis la ville, mieux, depuis son palais. On comprend mieux maintenant cette forme: , c'est celle de l'enceinte d'une ville, celle d'un palais, celle de l'enceinte de la cité interdite qui a les mêmes proportions que le caractère selon les anciennes normes de la calligraphie chinoise.

(note: comment écrivait-on "pays" quand guo 国 désignait plutôt la ville? C'est le caractère bang 邦 qui remplissait cette fonction. Seulement, c'était aussi le prénom du fondateur de la dynastie Han (Liu Bang 刘邦). Or il existe en chine une tradition qui veut que le nom d'un empereur devient tabou, impropre dans le langage courant. Ainsi, depuis le 3° siècle avant notre ère, l'usage de bang fut définitivement banni pour désigner le pays.)

Ci-dessous: le plan de la cité interdite. Selon Cyrille Javary, un caractère géant!

 

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Pour nous résumer, guo, le pays, est « ce qu'on gouverne depuis le palais ». Mais il y a aussi un sens caché: le pays, c'est « ce qu'on gouverne derrière les murs du palais », nous verrons ceci plus tard. En attendant, si vous pouvez deviner puis méditer le sens de ce proverbe chinois, 深水藏好鱼shen shui cang hao yu, « Le poisson malin se cache en eau profonde », ou de cette maxime de Laozi « 鱼不可脱于渊,國之利器不可以示人”yu bu ke tuo yu yuan, guo zhi liqi bu keyi shi ren, « Mieux vaut que le poisson demeure en eau profonde, les armes d'un état dans l'ombre* », vous aurez bien progressé sur la voie!!!

 

(*) Traduction : François Houang et Pierre Leyris, « La voie et sa vertu », Éditions du seuil, collection points, sagesses, Paris 1979.

 

: grand, être grand.

 

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Dans ce caractère on reconnaît ren , l'être humain que nous verrons dans la prochaine leçon.

Cette personne, ici, écarte les bras pour se faire plus grand. Notez que grand ne signifie pas forcément haut! L'aéroport Charles de Gaulle est très grand mais il n'est pas vraiment ...haut!

 Ci-dessous: une petite fille écartant les bras pour se montrer plus grande (Pékin, palais d'été) Nous retouverons cette image pour yi 'un, unité", cf.infra

 

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DSCN9976Ci-dessus, sur la muraille à Mutianyu, les membres d'une équipe sportive posent pour le photographe. Nous sommes en avril 2008, quelques mois avant les jeux olympiques de Pékin. Outre le fait que les chinois, depuis la "récupération" idéologique de la muraille* par Mao Zedong et Deng Xiaoping, sont maintenant très fiers de la muraille, ces athlètes ne manquent pas d'intégrer le drapeau à leur image (voir zhong, le centre, cf.supra). On note qu'ils écartent les bras pour exprimer la grandeur, da 大.

(*) Pendant des siècles, la muraille de Chine était symbole de guerre, d'exil, de rigueur infernale, de solitude désolée de la steppe,... et de la terrible répression du premier empereur, Qinshihuangi. La poésie chinoise a souvent évoqué la muraille sur un ton particulièrement élégiaque, voire tragique)

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zzzzzzzzzCi-dessus: aéroport Charles de Gaulle. Un avion n'est pas haut, mais déploie ses ailes sur de grandes envergures!

: le soleil, le jour.

 

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Drôle de forme pour un soleil! Rassurez-vous, les chinois voient bien le soleil rond, et, à l'origine, les premières graphies de ri étaient bien rondes. Enfin... pas tout à fait, nous allons le voir. C'est l'usage du pinceau, à partir du dernier siècle avant notre ère, qui a fait préférer aux chinois les formes rythmées alternant des traits droits (yang) et brisés (yin). Il y a un souffle dans la calligraphie, une respiration, une musique qui découle de la succession des traits (chercher: forme musicale). Le cercle est trop fermé, trop définitif, pour qu'il soit possible au calligraphe d'y exister. D'ailleurs, le seul rond en usage en chinois est le chiffre arabe de zéro: si « 1 » montre un angle, « 2 » deux angles, « 3 » trois angles, le propre de la graphie arabe de zéro est bien de montrer « aucun angle ».... rien*. Ainsi, pour les chinois, cette graphie qui ne permet rien est bien l'image du zéro mathématique.

Mais ce n'est pas tant cette forme carrée qui intrigue que ce trait au milieu du caractère, au cœur du soleil. On a évoqué la bouche monstrueuse d'un astre mangeur de démons mais c'est là une imagerie simpliste. Les sinologues sont tous d'accord sur un point: ce trait indique l'existence des taches solaires (1).

(Ci-dessous, photographie de taches solaires. Photo X.)

 

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Comment les chinois ont-ils pu découvrir l'existence de ces taches, à une époque reculée où le télescope n'existait pas encore? Il y a deux explications. La première se tient dans la forme aplatie de l'astre solaire, telle qu'on la voit ci-dessus. Cette forme indique un soleil déformé par l'épaisseur de l'atmosphère alors qu'il est couché sur l'horizon: c'est un soleil levant ou couchant, c'est à dire à une heure où son observation directe est possible sans danger pour l'œil. La seconde tient dans un phénomène météorologique du printemps chinois, le « vent jaune ». De fines particules du sable des déserts de Gobi, de Tengger ou des Ordos soulevées par le vent rendent les ciel plus doux, presque opalescent -comme l'aiment les chinois- et permet encore une fois l'observation directe du soleil.

Nous reviendrons sur ri, le soleil, un peu plus bas.

 

 

(*) Le rien mathématique, soit le néant, est bien différent du rien chinois. (Voir leçon x)

  1. Les taches solaires: taches noires qui apparaissent et disparaissent à la surface du soleil, que l'on peut observer avec des télescopes équipés de filtres suffisamment épais pour que l'observation de sa surface soit possible sans danger pour l'œil.

    Pour en savoir plus: fr.wikipedia.org/wiki/Tache_solaire )

 

 

běn Racine, source, origine.

Dans ce caractère apparaît le caractère « arbre » mu4 , sur lequel un trait a été ajouté, en bas. Ce trait n'a pas valeur de sens, ni valeur graphique. Il faut le comprendre comme étant une flèche, une indication désignant ce qui est en dessous de l'arbre: la racine. Ce type de caractère s'appelle un indicateur. Peu nombreux, ils sont néanmoins simples à comprendre et surtout, utilisés très fréquemment. Nous les découvrirons au fur et à mesure.

 

日本 rìběn: Japon, Pays (ex-Empire) du soleil levant.

Mot-à-mot: « Origine, source du soleil ».

Voilà un caractère riche d'enseignements: dan, l'aube. (le soleilposé sur l'horizon )

Lorsque la question est posée en classe sur le sens de ce caractère en le déduisant, assez facilement il faut le dire, de ses composants, la réponse la plus fréquente est « le coucher de soleil ». Ceci est intéressant à plus d'un titre. Nous voyons ainsi que nous appartenons à une culture de l'occident, c'est à dire une culture du coucher de soleil: Sunset Boulevard à Los Angeles et les cartes postales idylliques de palmiers sur la plage dans la lumière orange.

Chez les chinois par contre, le soleil posé sur l'horizon est un soleil qui se lève. On retrouvera cela dans le caractère « Est » dong (le soleil se lève à l'est). Vu de Chine, le soleil est ce qui se lève sur la mer, et glisse dans le ciel vers l'ouest où l'astre finit par mourir dans la couleur sang. En Chine, l'ouest est associé à l'automne, à la fin de vie, à la mort. Mais cette couleur sang du soleil couchant, dans la société si féminine de la Chine antique appelle la notion de cycle. C'est là un autre secret de Line que nous verrons plus tard mais qui se dessine ici. Dans une chanson de Jaques Higelin où évoquée la tristesse d'une personne, le dernier couplet évoque la seule capacité de cette personne dépressive d'observer le soleil couchant. Le couchant comme le fait d'une journée qui s'achève sans miracle ni beauté, une journée gâchée. L'amertume du sang pour celle qui attend le miracle de reproduire la vie.

L'ouest, c'est ce qui est retourné à l'état indifférencié au-delà des monts Kunlun, un état sauvage du monde, non civilisé. Les monts Kunlun où vit la reine-mère de l'Occident, déesse taoïste éminente, incarnation du pouvoir de transformation, de mutation de tout ce qui est, du pouvoir yin du métal de fondre, passer de la dureté du bronze à la souplesse de l'eau.

Une légende raconte que, autrefois, les neufs cieux étaient supportés par des piliers géants posés sur la terre. Une rixe entre certains dieux a provoqué la cassure du pilier qui se tenait au nord ouest. Ainsi, la terre, en ce lieu, n'avait plus à supporter le poids du ciel et s'est donc relevée. Quant au ciel, non soutenu en ce même lieu s'est légèrement affaissé. Ceci explique que les fleuves chinois coulent d'ouest en est et que le soleil glisse d'est en ouest!

Donc, si les chinois voient le soleil se lever sur la mer, c'est encore plus vrai pour les japonais! Ce mot riben est en réalité le mot japonais nihon (qui donne Nippon) mais qui s'écrit avec les mêmes caractères. Alors, pourquoi parle de « source » ou « racine » du soleil?

Pour les premiers peuples, le soleil qui naissait le matin était chaque fois nouveau puisqu'il venait mourir chaque soir, à la manière d'un fruit pourrissant. Une légende racontait qu'un arbre géant se tenait au centre du monde et que ses branches cueillaient chaque matin un nouveau soleil-fruit , le faisaient passer dans le ciel pour le déposer à l'ouest le soir, comme un fruit d'automne tombé de l'arbre et qui se décompose. Or, les historiens estiment que les chinois sont peut-être les premiers à découvrir que le soleil matinal est bien le même que celui qui s'était couché la veille au soir: déjà, la notion de cycle leur vint à l'esprit comme une loi essentielle de l'univers. Comment, au cœur de l'antiquité, ces chinois ont-ils pu percevoir cette réalité?

Une des premières choses que firent les humains est d'observer le ciel: c'est lui qui donne les signes qui annoncent le moment des semailles, des récoltas, des migrations ou d u retour à l'abri. C'est aussi le ciel qui nous permet de nous diriger sur la terre, grâce aux généreuses étoiles. L'observation fine du ciel est forcément la première géographie, bien avant celle de la terre.

Et les chinois ne tardèrent pas à découvrir ces astres étranges: les comètes. Et à remarquer que lorsque qu'une comète est visible le soir, à l'est, sa queue indiquait toujours l'est. De même, lorsqu'une comète, peut-être la même d'ailleurs, est visible tôt le matin, juste avant le lever du soleil, à l'ouest, sa queue indique toujours l'ouest. Le schéma ci-dessous résume cette situation. Les chinois ont donc vu que la queue d'une comète n'indique en rien la direction de son déplacement, mais la position de la comète par rapport au soleil. Ce faisant, les chinois n'ont pas seulement découvert que le soleil faisait le tour de la terre en passant « en dessous », mais également découvert l'existence de ce qu'on appelle aujourd'hui le vent solaire, une rayonnement électromagnétique très puissant.

Cela est remarquable et induit beaucoup d'aspects de l'âme chinoise. D'abord, le mouvement du soleil n'est pas seulement apparent, il peut être aussi invisible, non manifesté. Chaque chose possède sa partie cachée et peut exister indépendamment de notre vision. Voir peut constituer une illusion, un éblouissement qui masque la réalité subtile et secrète des choses: le bouddhisme pointe déjà le bout de son nez! Ensuite, ils découvrent intuitivement que l'espace est vide! Et pourtant c'est du ciel que tout est né: le vide chinois n'est pas un néant, il est un potentiel infini.

Encore un dernier mot sur 日本 rìběn : Où peut-on voir ce soleil levant dans le drapeau japonais? Le rond rouge au milieu, bien sûr. Comme vous le savez sûrement, le drapeau japonais a changé au cours de l'histoire. Après la seconde guerre mondiale, le Japon, vaincu, a perdu ses velléités expansionnistes, impérialistes, manifestée dans le drapeau par les rayons agressifs du drapeau originel. C'est ainsi que le Japon paisible de l'après-guerre a retiré les rayons de son drapeau.

xiǎo : petit, être petit. Jeune.

 

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Voilà un pictogramme que l'on présente souvent de la façon suivante: un objet, un « quelque chose », est coupé en deux par une hache lancée violemment contre lui. Celui-ci, forcément, est coupé en deux (les deux points de part et d'autre de la hache centrale). La chose est donc maintenant constituée de deux éléments évidemment plus petits.

 

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Le sinologue français Cyrille Javary conteste cette explication qu'il juge trop brutale et révélatrice de la vision masculine, dominatrice et violente du monde contemporain. Et de rappeler que les premières graphies de xiǎo -illustration ci-dessous- représentent trois grains de riz. C'est là la valeur de ce qui est petit -la graine, l'œuf, l'embryon- à savoir: engendrer le grand. Petit n'est pas ce qui est brisé et soumis, petit est l'état originel du monde, c'est ce qui contient le futur!

Ci-dessous: trois graines de cardamome. (Nb: la cardamome est arrivée en Chine en provenance de moyen-orient par la route de la soie.)

 

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Dans la tradition chinoise on dit : « Au-delà du grand, il n'y a rien; en-deçà du petit, il n'y a rien. Le petit deviendra grand, le grand redeviendra petit. Le nom de Laozi (Lao-tseu) est un exemple de ce principe: lao (vieux) et zi (enfant), c'est à dire que le vieillissement -la rigidité de l'âme et de la conscience- amène le retour à l'état d'enfant, la capacité de découverte et de sympathie avec autre chose que soi-même.

Enfin, les chinois, avant les japonais, ont inventé le penzhai 盆摘, bonzai en japonais. Les chinois ont ce talent remarquable de savoir occuper un espace très petit. C'est très net dans certaines boutiques, par exemple, mais cette capacité trouve sa marque suprême dans l'art de fabriquer des jardins miniatures dans lesquels l'âme peut divaguer, à la manière taoïste, dans un paysage reconstitué. Retrouver cette capacité enfantine de voir la mer ou le ciel entier dans une flaque d'eau, un fleuve dans un caniveau un jour de forte pluie. On appelle cela « voir le grand dans le petit ».

 

ma : particule modale, placée en fin de phrase pour transformer celle-ci en une question fermée. (oui/non) Idéophonogramme.

 

hěn : mot grammatical; adverbe: très, beaucoup. Idéophonogramme.

 

: adverbe de négation. Ne pas, pas, …

 

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Ce pictogramme est présenté dans certaines gloses comme figurant un oiseau (la partie inférieure du caractère), volant vers le haut et qui se heurte à une limite (le trait supérieur, le ciel) qu'il ne peut pas franchir. Cela rappelle la scène finale et tragique du film de Philipp Kaufmann, « L'étoffe des héros » dans laquelle le pilote américain Chuck Yeager, qui fut le premier à franchir le mur du son, essaie aux commandes de son jet de quitter l'atmosphère à l'instar des astronautes. Cette tentative se solde bien sûr par l'épuisement et la panne des moteurs, la perte de contrôle de l'appareil et l'obligation pour le pilote de s'éjecter avant le crash de la machine.

Mais il s'agit là -comme trop souvent- d'une vision yang et virile de l'action. Ainsi le commentaire le plus raisonnable fait état d'une réalité yin -douce et patiente- dans cette marque de la négation. Le trait supérieur représente ici la surface de la terre, le sol gelé de l'hiver. Ce qui se trouve en-dessous, c'est la germination d'une graine. En hiver, la jeune pousse ne peut pas croître ni sortir de terre. Il y a ici une idée bien différente de la négation. Si un turboréacteur, aussi puissant soit-il, ne pourra jamais fonctionner sans oxygène (premier exemple), la pousse végétale, elle, ne peut pas sortir de terre en hiver, mais pourra le faire au printemps! La négation chinoise n'est pas définitive, elle est provisoire, comme tout ce qui vit sur un cycle. Si nous reprenons le caractère xiǎo, petit, être petit, nous retrouvons cette idée: ce qui est petit aujourd'hui, sera grand demain.

 

 

 

 

 

10 mai 2014

L'auteur

L' AUTEUR:

 

Frédéric Pauchot, né le 30 mai 1959 à Paris.

Ancien instituteur, essentiellement en école maternelle.

Titulaire d'une licence LLCE de chinois à l'INALCO.

Professeur de chinois au lycée Frédéric Chopin à Nancy et aux collèges Paul Verlaine de Metz-Magny et Paul Verlaine de Maizières-les-Metz. A enseigné aux lycées Saint-Dominique à Nancy, Louis de Cormontaigne à Metz, Pierre Mendès-France à Épinal. Ainsi qu'à l'Université de Lorraine, site de Nancy, campus Lettres et sciences Humaines (Scelv et Licence Sciences du Langage).

Intervient dans la formation dispensée par l'Institut Lorrain de Médecine Traditionnelle Chinoise à Nancy.

Conférencier et photographe.

Accompagnateur de voyages en Chine, essentiellement pour ses élèves.

 

Mél: frederic.pauchot@wanadoo.fr

 

 

Autres blogs de l'auteur:

huangchang.canalblog.com

zhulinqixian.bloxode.com

10 mai 2014

Line

 

 

                   林

 

Le secret de Line ou

Non, les chinois ne font pas des « petits dessins »!

 

C'est un cliché bien connu: les chinois n'écrivent pas, ils dessinent. Il s'agit là de restes, fossiles, de notre européocentrisme triomphant du XIX° siècle, avec son cortège de clichés satisfaisants pour notre esprit mais très blessants à l'endroit des autres peuples. Cette époque coloniale où « l'autre » était rangé dans la catégorie des « primitifs », c'est à dire non encore parvenu au stade d'évolution technologique de l'occident. Nous avions à cette époque une confiance aveugle dans le progrès technologique, et une naïve générosité (...très intéressée, à vrai dire!) nous poussait à apporter celui-ci aux quatre coins du monde. La statue de la liberté, sculptée par Bartoldi, n'était pas conçue au départ pour trôner dans la baie de New-York! Elle fut à l'origine une commande de la Compagnie du canal de Suez et devait être placée à l'entrée ou au débouché du canal pour signifier ceci: l'occident, impérial (la couronne), va éclairer (la torche) les contrées orientales plongées dans l'obscurité de leur méconnaissance grâce à son savoir supérieur (le livre)!!!

Alors il nous est pratique de dire que les chinois « dessinent », à la manière de jeunes enfants, non lecteurs, non encore parvenus au stade ultime de l'écriture, marque le « vraie » civilisation. C'est faire preuve de suffisance et d'orgueil bouffi bien coupable.

Nous allons plutôt regarder l'écriture chinoise avec le regard de CANG Jie! Cang Jie qui possédait deux paires d'yeux, l'une pour voir le visible et l'autre pour voir l'invisible. Cang Jie était ministre de l'empereur jaune et c'est lui qui perçut les premiers signes d'écriture dans les traces laissées par les oiseaux sur les rives de glaise humide du fleuve jaune. Les chinois sont les héritiers de ce personnage mythologique: leur écriture est celle de l'invisible et leur talent est d'écrire et de voir l'invisible. Nous allons peu-à-peu, au fil des chapitres, apprendre à voir à travers le brouillard qui nimbe la vérité chinoise, ce brouillard qui dissimule la vraie Chine au touriste nonchalant, ...non-lecteur! Tout ce qui est chinois se cache dans la pâleur de l'opale, de la jade, de la porcelaine, du papier de soie...

Ainsi, faisons nos premiers pas dans l'invisible. Ci-dessus, en ouverture de ce préambule, le caractère lin (prononcé « Line »). Il est facile de remarquer qu'il est composé de deux éléments identiques: mu , l'arbre. A la question « que signifie ce caractère? », on obtient souvent la réponse: « Deux arbres! ». Alors, réfléchissons bien: y a-t-il dans le champ lexical du français un mot qui corresponde au concept « deux arbres »? Je ne crois pas. Ainsi, un chinois pourrait facilement retourner contre nous notre idée condescendante du « les chinois dessinent », car nous avons bien commis en affirmant que ce signe écrit signifie « 2 arbres », une appréciation grossière, primaire, en un mot, « au raz des pâquerettes »!

Par contre, si vous avez lu « forêt » dans le caractère , alors vous êtes déjà entré dans l'âme chinoise. Outre le fait que vous avez bien compris que « deux arbres » n'est pas vraiment un élément significatif du réel, vous avez également écarté la réflexion stupide: « mais il y a bien plus de deux arbres dans une forêt! ». Oui, vraiment, est bien plus qu'un dessin, c'est une prolepse, une idée, une formule magique: « A côté d'un arbre, il y en a un autre ». Vous êtes entré dans la forêt!

Nous dévoilerons vers la fin du chapitre suivant un autre secret de ce caractère.

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10 mai 2014

Introduction

Bienvenue sur le blog LES SECRETS DE LINE, lexicologie des 400 caractères du MILEC (ou, des 405 du seuil de caractères LV3, ce qui revient pratiquement au même.)

 

 

« Le chinois ancien n'avait pas de syntaxe. Mots flottant dans l'espace de la non-pensée. Avec le passage des siècles, des rapports fixes entre les mots se sont établis. L'histoire du chinois ressemble à celle d'un corps humain qui, vieillissant, devient arthritique. » John CAGE (1)

 

 

De quelle arthrose John Cage parle-t-il?

Un jour que je présentai en classe le caractère kan4 (voir, regarder), et demandant aux élèves de seconde de quoi il était composé -la main et l'œil- et, de là, que pouvait-il représenter, leur réponse fut assez rapide: « On pose sa main au-dessus des yeux pour mieux voir. » Après la classe, une adulte chinoise qui assistait au cours me dit: « Oh! C'est incroyable ce que vous avez dit sur kan! Vous avez beaucoup d'imagination! »

A vrai dire, les bras m'en sont tombés! Les chinois seraient-ils aujourd'hui coupés de leurs racines, c'est à dire de la capacité de puiser la sève à la source, dans la terre fertile de leur histoire? Nous n'avons pas « imaginé » ce rapport sémantique entre « la main » et « l'œil »: c'est tout simplement le sens du caractère!

Non, il ne s'agit pas d'invention personnelle! Ou alors celle des premiers devins chinois qui créèrent cette écriture qui figure au panthéon du patrimoine immatériel de l'Humanité et qui nous rassemble aujourd'hui dans cette passion commune. Il est question sur ce blog de présenter le contenu des quelque 400 caractères en question, c'est à dire plonger dans leur genèse et leur histoire -donc celle de la Chine- et les relier ainsi à l'âme chinoise. Selon les opportunités que nous offrent ceux-ci on en détaillera le contenu graphique, logique, historique, symbolique, philosophique,... ou -cette adulte chinoise n'a pas complètement tort- imaginaire.

L'auteur de ce blog est professeur certifié de chinois, il n'est pas un universitaire, un chercheur. Mais rien ne nous empêche d'être fouineur tant dans les livres nombreux consacrés à l'écriture, l'histoire, la pensée chinoises, que dans son expérience du pays, afin de rassembler des ouvertures, des prolongations, une invitation au voyage, à la divagation chère aux taoïstes, à partir des caractères étudiés. Ces textes et illustrations doivent offrir aux élèves ou étudiants une occasion supplémentaire de replacer chaque caractère au cœur de ce qui le fonde: le sens. C'est à dire révéler le réseau de lignes subtiles qui s'y croisent dans la fluidité originelle.

 

 

JOURNAL: ….......ATTENTION! WORK IN PROGRESS!............... La plupart des articles ne sont pas encore renseignés. L'évolution du contenu sera détaillée ici-même au fil des mois. Dans l'immédiat, il est plus sage de dérouler le blog en continu à partir de cette première page.

Sous cette rubrique « journal », ici-même, sera présentée l'évolution du blog au fil des jours.

 

 

CONSEILS PRATIQUES:

 

-La disposition reprend celle des séquences du MILEC (Méthode d'Initiation à la Langue et à l'Écriture Chinoises de Joël Bel-Lassen. Voir références dans « Bibliographie ») S'y ajoutent d'autres chapitres et récréations ou divagations diverses.

-Ce blog peut être lu directement à partir de cette page d'accueil, en déroulant en continu et tournant les pages.

-Ou alors entrer par l'article de son choix. Il faut pour cela cliquer sur « Toutes les archives » dans la colonne de droite, et vous verrez apparaître la liste des articles, classés sous le vocable de « Catégories ».

-Les photographies peuvent être agrandies en cliquant dessus, tout simplement.

 

RAPPEL: la reproduction des photographies publiées ici est interdite et son autorisation doit être soumise à demande écrite pour accord de l'auteur.

 

  1. John CAGE, compositeur, poète et intellectuel américain (Los Angeles 1912- New York 1992), à l'influence considérable, des Happenings, du piano préparé » etc..., grand mycologue devant l'éternel (il était fasciné par l'idée de réseaux), il était très influencé par l'extrême-orient -le zen notamment- et a écrit un ensemble de pièces pour piano inspirées du Livre des Mutations (Yijing), « Music of Changes ». La citation ci-dessus est extraite de: John CAGE, « JOURNAL ou Comment rendre le monde meilleur (on ne fait qu'aggraver les choses) » Éditions Maurice Nadeau/Papyrus, Paris 1983, traduction Monique Fong, page 113.

    La citation ci-dessus nous semble pertinente mais pour autant, nous ne sommes pas obligés d'adhérer totalement à son contenu: la langue chinoise moderne, tout comme la langue classique mais dans un pli différent, est particulièrement fruitée et gouleyante, chargée d'histoire.

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